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Publié par andika

OJ Simpson made in America a remporté l'oscar du meilleur film documentaire en 2017 et ce n'est que justice. Ce film est indispensable, surtout pour nous qui ne sommes pas américains. Et pourtant, que pensons-nous ignorer de cette affaire ? Cette course poursuite incroyable en direct devant près 100 millions de téléspectateurs ? Ce gant qui ne va pas à l'accusé ? Ce fameux enquêteur raciste ? Voilà ce que je savais déjà personnellement de ce procès. Ce sont des éléments importants, certes, mais ce ne sont que des détails car ce procès mettait en mouvement des choses beaucoup plus grandes, beaucoup plus profondes que les simples faits incriminés.

Ce film est indispensable car on en apprend beaucoup. Même près d'un siècle après la présidence d'Abraham Lincoln, les Etats-Unis sont encore un pays divisé sur la question raciale. Malgré la fin de l'esclavage, les Afro-Américains continuent à subir des traitements différents de leurs compatriotes blancs. Même à Los Angeles, en Californie, Etat qui n'était pourtant pas connu pour être confédéré ou ségrégationniste.

Avant d'entrer dans le vif du sujet OJ Simpson, c'est ce contexte qui est relaté. En revenant notamment sur les émeutes de Watts, sur l'agression de Rodney King par des policiers suivi de leurs acquittements, le meurtre de Lakeshia Combs, adolescente de 15 ans, par une épicière qui ne sera pas condamnée à de la prison ferme... Et j'en passe.

Ce contexte étant posé dans les deux premiers épisodes, on comprend beaucoup mieux comment ce procès a pu aller dans ce sens. On comprend mieux aussi pourquoi l'élection d'Obama n'a rien réglé, tellement les antagonismes sont profondément ancrés dans cette société. On comprend mieux certaines réactions, notamment récemment sur les réseaux sociaux suite au décès d'Otto Warimber. Il s'agissait d'un jeune étudiant américain qui a été enfermé en Corée du Nord. Sur Facebook, j'ai lu de nombreux commentaires d'Afro américain dire qu'il était trop habitué à ses privilèges de blanc et qu'à l'étranger, il devait se tenir à carreau. Avant même de penser à l'injustice dont il avait été victime, ils pensaient à ses fameux white privileges... Mais quand on regarde ce film, on s'aperçoit que le système judiciaire américain peut être aussi inique que le système nord coréen, surtout envers les noirs.

Chacun des cinq épisodes amène sa pierre à l'édifice. On retrace tout d'abord le parcours d'OJ et on comprend sa célébrité et sa cote de popularité. On remarque également qu'il ne s'était pas engagé pour les droits civiques dans les années 1960, contrairement à Ali par exemple. Le réalisateur interroge également de nombreux protagonistes. Avec le recul, leur témoignage est précieux et nous éclaire. Toutes les opinions s'expriment dans ce film, que ce soit la police, des militants des droits civiques, des amis d'OJ, des membres du jurys, les avocats de la défense, le ministère public ou les familles des victimes.

Les victimes justement, on constate que ce sont un peu les grandes oubliées de cette histoire. Ce qui n'aurait du être qu'une tristement banale histoire de violences conjugales s'est mué en débat de société sur le racisme, les droits civiques et le climax de tensions raciales exacerbées depuis près de deux siècles dans ce pays. Pourtant, la célébrité d'OJ aurait pu permettre une prise de conscience sur ce fléau des violences conjugales qui est certainement encore plus répandu que le racisme.

Il est d'ailleurs dommage que OJ Simpson soit devenu le symbole de la lutte des droits civiques et contre les violences policières envers les noirs car il ne s'était pas engagé auparavant alors qu'il aurait très bien pu le faire. Sa chute pathétique à la suite de son acquittement montre d'ailleurs à quel point il était indigne du soutien qu'il a reçu.

Plus que l'affaire d'OJ, il s'agit ici de l'affaire des Etats-Unis. Près de 25 ans après, et malgré Obama, il s'agit toujours d'un pays où j'hésiterais toujours à deux fois avant de m'y rendre en tant que noir.

Pour conclure, je vais vous livrer une anecdote personnelle. En 2005, je me suis rendu aux Etats-Unis pour un voyage linguistique d'été. Il s'agit encore pour moi de mon seul voyage dans ce pays à ce jour. Étonnamment, l'organisme a eu quelques difficultés à me trouver une famille d'accueil. Une fois arrivé sur place, j'interrogeai mes camarades de voyage afin de savoir si pour eux aussi, l'organisme avait eu du mal à dénicher une famille. Aucun souci pour eux. Ils avaient la particularité d'être tous blancs. Et bien entendu, chacun d'eux avait une famille d'accueil blanche. Pour ma part, j'ai finalement eu une famille d'accueil qui était bien entendu une famille noire. Ca se passait en Virginie, en 2005. La personne chargée de trouver les famille d'accueil ne pouvait pas concevoir qu'un jeune noir passe ses vacances chez des blancs. Toutefois, pour la petite histoire, je suis tombé dans la meilleure famille que j'aurais pu imaginer. Il s'avère qu'il s'agissait de français comme moi, et que le père était blanc et que la mère était noire. Je les considère encore comme ma famille aujourd'hui.

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